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03/08/2013

Schiste : les firmes US assiègent la France

...et "comptent sur le Conseil constitutionnel " :

gaz de schiste

 


Les habitants de Jouarre (Seine-et-Marne) manifestent contre la firme américaine Hess Oil, qui va lancer un forage de 3000 m dans la roche-mère. Même situation dans l'Aisne et la Marne, avec la firme canadienne Vermilion. Comme Hess Oil, qui détient des permis « d'exploration » sur 3400 km2 de territoire français, les extracteurs nord-américains s'installent en force dans l'Hexagone : ils misent sur le Conseil constitutionnel, qui s'apprête, selon eux, à annuler en septembre l'interdiction de la fracturation hydraulique. Les industriels misent d'ailleurs sur la quasi-totalité de la classe politique française... « A la moindre brèche sur le front de l'interdiction, ils s'y engouffreront », redoute le collectif de Jouarre contre les gaz de schiste. Cette brèche ne tardera peut-être pas à leur être offerte. Après le Conseil d'Etat arbitrant en faveur des OGM, les « sages du Palais-Royal » tranchant en faveur du lobby gazier ?

On peut tout redouter d'une élite hexagonale formatée. « Les arrêtés concernant les autorisations de permis ne contiennent pas de précisions sur la nature, conventionnelle ou pas, des hydrocarbures recherchés », constate Libération (3/08) : « C'est ainsi que Hess a commencé à forer. Jusqu'à un arrêté préfectoral de mai, le pétrolier réalisait même des forages horizontaux, dernière étape avant la fracturation. La circulaire de septembre interdisant cette technique n'avait jamais été appliquée sur le terrain avant la mobilisation des opposants. Thibieroz, le géologue, s'étonne que le gouvernement ne suspende pas ''toute activité d'exploration''. Le ministère du Développement durable s'y refuse, au nom du respect de ''l'Etat de droit''... » On sait de quoi « Etat de droit » est le nom, dans nos postdémocraties. On sait aussi que le ministère du « Développement durable » est (acrobatiquement) le même que celui de « l'Ecologie » et celui de « l'Energie », et que ce numéro de contorsionniste est exécuté pour l'instant par Philippe Martin ; c'est donc lui qui invoque « l'Etat de droit », s'engageant ainsi sur le terrain où l'attirent les avocats du lobby pétrogazier.

Ce lobby fascine les politiques, comme la couleuvre fascine le mulot. Pourquoi ? Parce qu'it's the economy, stupid ! Ou plutôt, ce sont les slogans de la machinerie productiviste... Ainsi les politiques sont persuadés que le gaz de schiste serait le salut économique, mais que ce salut se heurte au « syndrome français » : c'est-à-dire « l'immobilisme », l'Etat, « le rejet du progrès », la réticence devant « les changements structurels nécessaires pour adapter la France à la mondialisation »... Ce boniment est usé jusqu'à la corde, mais les politiques ne s'en rendent pas compte. On les a convaincus que le schiste fournit des gains économiques immenses.

Or cette idée est fausse, comme l'explique l'économiste non-conformiste Thomas Porcher [1]. L'empressement des industriels à exploiter le gaz de schiste en France n'a rien à voir avec le bien commun économique des Français : « la valeur de la production exprimée en ''centaines de millions de dollars'' n'a aucune commune mesure avec les créations d'emplois » (un million de dollars de production de gaz ne crée que 2,5 emplois [2]) ; « le code minier français, productiviste et sans juristes, est extrêmement favorable aux compagnies car il n'impose que très peu de contraintes environnementales et fiscales » ; et la facture de gaz pour le consommateur ne baisserait pas, compte tenu de la structure du marché européen qui aligne sur les prix supérieurs – ce qui permettrait aux compagnies de réaliser des profits supplémentaires ! Les industriels savent très bien que la structure du marché européen « va leur permettre de faire des marges énormes, supérieures à celles de leurs homologues américains. Car en produisant du gaz à un coût d'extraction moindre, qu'elles revendront ensuite à un prix plus élevé (au prix du gaz importé), les compagnies feront des profits énormes sans gain significatif sur la facture des consommateurs. » Et sans gain pour les industries françaises utilisatrices... La comparaison s'impose avec ce qui s'est passé dans les pays pétroliers dont les codes miniers, hérités du nôtre, favorisent les compagnies étrangères : « les milliards de la production de pétrole se sont évaporés pour alimenter les profits des compagnies au détriment des caisses de l'Etat. »

À cette inexistence prévisible des gains économiques en France, s'ajoutent plusieurs données :

- l'expérience américaine n'est pas un modèle à suivre : par comparaison, il nous faudrait forer plus de 90 000 puits dans les prochaines années (avec toutes les nuisances géologiques, hydrologiques et médicales que cela suppose) ;

- en effet, les Etats-Unis ne seront le premier producteur d'hydrocarbures (comme le répète la presse sous influence) que « s'ils continuent de forer au même rythme pendant les dix prochaines années – soit tout de même une moyenne de 70 000 nouveaux puits par an » , et ils n'auront l'indépendance énergétique (comme le dit la même presse) « qu'en tenant ce rythme délirant pendant vingt ans » : comme si le territoire et les populations pouvaient supporter des forages illimités, et comme si les réserves en eau pouvaient garantir le monstrueux gaspillage de près de deux millions de puits de fracturation hydraulique [3] ;

- le prix actuel du gaz de schiste américain n'est pas tenable, reconnaissent les directeurs de compagnies gazières [4: « même si la croissance des forages de schiste est impressionnante aux Etats-Unis – voire inconsciente (le nombre de forages a augmenté de +3400 % entre 2005 et 2012) –, elle ne peut pas durablement maintenir le prix plus bas que le coût d'extraction ». La bulle explosera et les prix US rejoindront les prix européens.

Les données concrètes réfutent les slogans économiques déployés aujourd'hui comme prétexte à se rallier au lobby du schiste. Il faut le faire savoir autour de nous : le jour où elle commettra ce ralliement, la classe dirigeante française n'aura aucune excuse.

__________ 

[1] Le mirage du gaz de schiste, éd. Max Milo, 62 p.

[2] revue scientifique Energy Economics, n° 34, 2012. Les industries extractives n'utilisent en effet que peu de main d'oeuvre, avec des besoins concentrés au début du cycle de production.

[3] En 2011, la quantité d'eau utilisée par la fracturation hydraulique aux Etats-Unis représentait déjà la consommation annuelle de 80 villes de 50 000 habitants. (US Environmental Protection Agency, nov. 2011). Gaspillage scandaleux si l'on songe que la pénurie d'eau est à l'origine d'un dixième de la morbidité mondiale. (Rapport des Nations-Unies, 2009).

[4] Robert Bell et Oleg Rusetsky, La Tribune, 23 oct. 2012.



15:46 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gaz de schiste

Commentaires

PAS DE SOUCI

> Ne vous faites pas de soucis pour la classe politique, avec ou sans excuses: le crime de haute trahison a été retirée de la Constitution de la République par la loi constitutionnelle n°2007-238 du 23 Février 2007.
Ouf!
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Écrit par : Pierre Huet / | 03/08/2013

LES GENS N'EN VEULENT PAS

> Pourtant en Angleterre, tellement plus avancée que nous économiquement et tellement moins ringarde comme on ne cesse de nous le répéter des Echos à The Economist, les gens n'en veulent pas non plus. Les populations sont décidément irrécupérables.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/08/01/la-course-de-la-grande-bretagne-vers-le-gaz-de-schiste-freinee-par-une-mobilisation-locale_3456315_3244.html
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Écrit par : Christian / | 03/08/2013

L'AVEU A PEINE DEGUISÉ DE Mme FIORASO

> à lire ici :

http://fr.news.yahoo.com/gaz-schiste-recherche-publique-ministre-142902011.html
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Écrit par : Amicie T. / | 04/08/2013

INCROYABLE

> @ Amicie - Incroyable, on en est là : alors que Hollande proclame que c'est "non", la ministre (all-american) Fioraso déclare froidement que le privé peut faire ce qu'il veut.
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Écrit par : solenn / | 04/08/2013

QUI

> "Hess et ses pareils n'ont cure de "l'interdiction d'exploration" alléguée par Hollande"
donc qui gouverne ?
et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ?
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Écrit par : E Levavasseur / | 05/08/2013

LES DEUX ENFANTS AMERICAINS INTERDITS DE PAROLE

> Comment les Américains bafouent tout à la fois sur cette question la liberté de conscience et la liberté d'expression… avec la bénédiction de la justice ?
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2013/08/06/motus-aux-etats-unis-deux-enfants-interdits-de-parler-du-gaz-de-schiste/#xtor=RSS-32280322#xtor=RSS-3208

Écrit par : Denis / | 06/08/2013

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